« Les noms de domaine constituent une mine dâor. Pour lâinstant, les gens ne perçoivent pas encore les enjeux, mais je suis convaincu que des milliardaires Ă©mergeront parmi ces jeunes qui sâintĂ©resseront aux noms de domaine. » Telle est la conviction de IzaĂŻ ToĂ©, secrĂ©taire exĂ©cutif de lâAssociation burkinabĂš des domaines Internet (ABDI), une organisation engagĂ©e dans la promotion du « .bf », le territoire numĂ©rique burkinabĂš. Dans un entretien quâil nous a accordĂ© le mardi 19 novembre 2024, au siĂšge de lâassociation sis aux 1200 logements, IzaĂŻ ToĂ© revient sur les dĂ©fis de lâABDI et sa participation Ă la 19e Ă©dition de la Semaine du numĂ©rique, qui sâest achevĂ©e le 15 novembre.
Lefaso.net : Pouvez-vous nous parler des objectifs et de la vision de lâAssociation burkinabĂš des domaines Internet (ABDI) ?
I.T. : LâAssociation burkinabĂš des domaines Internet est une organisation de la sociĂ©tĂ© civile burkinabĂš, crĂ©Ă©e en 2018 par des acteurs du secteur des technologies de lâinformation et de la communication. LâABDI a pour mission de contribuer au dĂ©veloppement de lâInternet au Burkina Faso. Elle sâest fixĂ© une vision ambitieuse : devenir, Ă lâhorizon 2027, un registre Internet performant offrant des services numĂ©riques innovants.
Aujourdâhui, lâassociation compte 29 membres issus de lâadministration publique, du secteur privĂ© et de la sociĂ©tĂ© civile. Pour le moment, seules des personnes morales peuvent ĂȘtre membres.
Nous intervenons principalement dans trois domaines : lâadressage sur Internet, la gouvernance de lâInternet et la promotion du numĂ©rique.
Pour ces trois axes, nous avons identifiĂ© trois actions prioritaires Ă savoir la promotion des noms de domaine « .bf », la migration vers le protocole IPv6 et la souverainetĂ© et lâinclusion numĂ©riques.
Lâassociation a signĂ© une convention avec lâAutoritĂ© de rĂ©gulation des communications Ă©lectroniques et des postes (ARCEP), entitĂ© nationale responsable des noms de domaine « .bf ». GrĂące Ă cette convention, lâARCEP a dĂ©lĂ©guĂ© Ă lâABDI la gestion administrative, technique et commerciale des noms de domaine « .bf ».
Comment devient-on membre de lâABDI ?
Lâassociation est ouverte. Comme pour toute organisation, il suffit dâadhĂ©rer aux statuts et au rĂšglement intĂ©rieur. Toute personne morale acceptant ces dispositions peut y adhĂ©rer.
Je profite de cette occasion pour inviter lâensemble des acteurs du secteur des technologies de lâinformation et de la communication Ă rejoindre cette association, qui, selon moi, a une mission noble : contribuer au dĂ©veloppement de lâInternet au Burkina Faso.
Aujourdâhui, lâimportance de lâInternet pour le dĂ©veloppement socio-Ă©conomique des Ătats nâest plus Ă dĂ©montrer. Nous croyons quâavec davantage de membres, nous pourrons atteindre nos objectifs de maniĂšre plus efficace.
Les conditions dâadhĂ©sion sont simples : il suffit de se rendre sur notre site web www.abdi.bf et de remplir le formulaire dâadhĂ©sion. Des frais dâadhĂ©sion, trĂšs abordables, sont Ă prĂ©voir, ainsi que des cotisations annuelles. Ces derniĂšres varient selon les membres : certaines structures versent jusquâĂ 10 millions de francs CFA par an, tandis que dâautres sâacquittent de 35âŻ000 francs.
Lâassociation rassemble des membres variĂ©s. Il y a des structures publiques comme lâAgence nationale de promotion des TIC (ANPTIC), lâAgence nationale de sĂ©curitĂ© des systĂšmes dâinformation (ANSSI), lâUniversitĂ© virtuelle qui sont membres.
Il y a Ă©galement les trois opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©phonie qui sont membres et des associations comme lâInitiative pour la gouvernance de lâInternet au Burkina Faso (IGF-BF), Internet Society (ISOC).
En raison de cette diversitĂ©, lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale fixe des cotisations annuelles adaptĂ©es Ă chaque catĂ©gorie de membre
Quelles sont les principales actions que mĂšne lâABDI pour promouvoir le « .bf » ?
Depuis lâopĂ©rationnalisation du secrĂ©tariat exĂ©cutif en 2021, plusieurs actions ont Ă©tĂ© entreprises. Sur le renforcement du cadre juridique, notons que la loi 011 sur les noms de domaine, adoptĂ©e en 2010 au Burkina Faso, manquait de textes dâapplication. DĂšs 2021, nous avons commencĂ© Ă travailler pour combler ce vide en proposant plusieurs dĂ©cisions au Conseil de rĂ©gulation de lâARCEP, notamment la charte de nommage du « .bf », les conditions dâaccrĂ©ditation des bureaux dâenregistrement et le cahier des charges des bureaux dâenregistrement. En tant quâorganisation jeune, crĂ©Ă©e en 2018, lâABDI sâest attelĂ©e Ă renforcer son cadre institutionnel. Nous avons rendu opĂ©rationnel le secrĂ©tariat exĂ©cutif en recrutant sept agents permanents. Cela nous permet aujourdâhui de mener nos activitĂ©s de maniĂšre efficace.
En dehors de ces deux aspects, nous nous sommes attelĂ©s Ă finaliser le processus de modernisation du systĂšme des noms de domaine au Burkina Faso. LâARCEP avait dĂ©jĂ entamĂ© une procĂ©dure dâautomatisation de la gestion des noms de domaine, notamment leur acquisition. Lorsque lâABDI a pris les choses en main, nous nous sommes employĂ©s Ă poursuivre et Ă accĂ©lĂ©rer ce processus dâautomatisation du registre « .bf », afin de permettre aux demandeurs de noms de domaine dâaccĂ©der Ă des services plus rapides et simplifiĂ©s.
En plus de cela, nous avons entamĂ© lâopĂ©rationnalisation du modĂšle « 3R » en matiĂšre de gestion des noms de domaine. Dans le modĂšle « 3R », le premier « R », câest le registre, le deuxiĂšme, câest le registraire et le troisiĂšme « R », câest le registrant.
En rĂ©alitĂ©, ce sont des acteurs qui interviennent dans la chaĂźne de valeur des noms de domaine. Le registre, câest lâautoritĂ© qui sâoccupe de la gestion de lâannuaire des noms de domaine. Au Burkina Faso, lâARCEP est le registre officiel, et lâABDI en est lâopĂ©rateur technique
Les registrars ou registraire en français sont des bureaux dâenregistrement, des entreprises privĂ©es jouant le rĂŽle dâintermĂ©diaires entre le registre et les utilisateurs finaux du « .bf », appelĂ©s registrant.
Il faut dire que nous nous sommes attelĂ©s Ă rendre ce modĂšle opĂ©rationnel, car il est prĂ©conisĂ© par les institutions internationales. Le modĂšle « 3R » a fait ses preuves dâun bon fonctionnement pour ce qui est de la gestion des ccTLD (Country Code Top-Level Domain), les noms de domaine correspondant aux codes pays. Ce modĂšle a prouvĂ© son efficacitĂ© pour une gestion inclusive et efficace du registre Internet de chaque pays.
En trois ou quatre ans, des progrÚs significatifs ont été réalisés pour mettre en place et améliorer le registre des noms de domaine « .bf ».
Quels sont les avantages à adopter le « .bf » pour les BurkinabÚ ?
Câest une question rĂ©currente, car il existe de nombreuses autres extensions, et malheureusement, le « .bf » nâest pas encore la plus utilisĂ©e dans notre pays.
Tout dâabord, le « .bf », câest lâidentitĂ© numĂ©rique du Burkina Faso. Jâaime dire que câest notre territoire numĂ©rique national. Toutes les organisations ayant un intĂ©rĂȘt pour le Burkina Faso, quâelles soient de droit burkinabĂš ou non, devraient possĂ©der un nom de domaine en « .bf », en plus de toute autre extension. DeuxiĂšmement, choisir le « .bf » est une question de souverainetĂ© numĂ©rique et de patriotisme. Lorsque lâon est BurkinabĂš, il est essentiel dâutiliser cette extension, qui est officiellement associĂ©e Ă notre pays par les institutions internationales.
TroisiĂšmement, le « .bf » offre un avantage en termes de sĂ©curitĂ©. Câest facile dâavoir des noms de domaines gĂ©nĂ©riques. Quand câest facile, cela veut dire que la procĂ©dure pour les acquĂ©rir nâest pas assez renforcĂ©e.
En revanche, pour obtenir un « .bf », nous prenons le temps de vĂ©rifier lâidentitĂ© des demandeurs. Nous devons savoir qui vous ĂȘtes, avoir vos coordonnĂ©es et comprendre votre activitĂ© avant de vous accorder un nom de domaine en « .bf ». Cela garantit que cette identitĂ© numĂ©rique nationale ne soit pas donnĂ©e Ă nâimporte qui. Donc, la sĂ©curitĂ© est un Ă©lĂ©ment, de notre point de vue, qui fait la diffĂ©rence avec les autres noms de domaine.
QuatriĂšmement, les noms de domaine constituent une vĂ©ritable industrie. Ă grande Ă©chelle, ils pourraient gĂ©nĂ©rer des revenus considĂ©rables pour le Burkina Faso. Vous savez que lâenregistrement des noms de domaine est payant et que le renouvellement lâest aussi. Par exemple, si nous atteignons deux millions de noms de domaine enregistrĂ©s et que chaque enregistrement coĂ»te 2 000 FCFA, cela reprĂ©senterait 4 milliards de francs CFA.
La moitiĂ© de cette somme pourrait provenir de lâĂ©tranger. Si des organisations internationales choisissent le « .bf », cela ferait entrer des devises dans notre pays. Le registre des noms de domaine « .bf » est une mine dâor que le Burkina Faso doit exploiter et promouvoir auprĂšs des entreprises internationales opĂ©rant dans notre pays. Ces entreprises devraient ĂȘtre encouragĂ©es Ă adopter le « .bf », en plus de toute autre extension quâelles utilisent.
En somme, il existe un enjeu Ă©conomique majeur autour des noms de domaine, qui nâest pas encore bien perçu par tous les acteurs, mais que nous nous efforçons de mettre en lumiĂšre
Et quelle est la situation des noms de domaine au Burkina ?
Malheureusement, aujourdâhui, la situation nâest pas reluisante parce que nous avons environ 5 000 noms de domaine. Câest trĂšs dĂ©risoire par rapport Ă nos ambitions. VoilĂ , pourquoi nous devons continuer Ă intensifier la communication et la sensibilisation des acteurs, mais aussi Ă renforcer la rĂ©glementation.
La jeune Ă©quipe de lâABDI qui a animĂ© le stand au SITICO
Ă un moment donnĂ©, je pense quâil faudra instaurer une rĂ©glementation obligeant certains acteurs Ă adopter le « .bf » sâils souhaitent sâinstaller au Burkina Faso. Cela se fait dans dâautres pays. Bien sĂ»r, cela ne vous empĂȘche pas dâavoir dâautres noms de domaine, mais vous seriez tenus dâavoir Ă©galement un « .bf ».
Quelle est la procédure à suivre pour acquérir un nom de domaine en « .bf » ?
Pour obtenir un nom de domaine en « .bf », il ne faut pas sâadresser directement Ă lâABDI. LâARCEP a accrĂ©ditĂ© des bureaux dâenregistrement, qui agissent comme intermĂ©diaires. Nous encourageons toutes les personnes intĂ©ressĂ©es Ă contacter ces bureaux dâenregistrement accrĂ©ditĂ©s.
Actuellement, il existe dix bureaux accrĂ©ditĂ©s, tous capables de fournir des services de qualitĂ©. Ces bureaux ont Ă©tĂ© soumis Ă un contrĂŽle rigoureux de lâARCEP avant dâobtenir leur accrĂ©ditation. LâABDI coordonne leurs activitĂ©s.
Pour la procĂ©dure, allez sur notre site web www.abdi.bf . Dans la rubrique registrar, vous trouverez la liste des dix bureaux dâenregistrement. Contactez le bureau de votre choix pour quâil procĂšde Ă lâenregistrement de votre nom de domaine. Aujourdâhui, la plupart dâentre eux ont mis en place une plateforme automatisĂ©e dâenregistrement des noms de domaine.
Vous aurez accĂšs Ă un espace avec des formulaires Ă remplir en un clin dâĆil. Le paiement peut se faire par Mobile Money. Ensuite, validez la crĂ©ation de votre nom de domaine. Une fois que vous avez payĂ© et validĂ©, le nom de domaine est automatiquement crĂ©Ă© sur nos serveurs et vous nâavez quâĂ attendre Ă peu prĂšs une heure trente minutes pour que le nom de domaine soit actif sur Internet. On a besoin dâun petit temps de propagation du nouveau nom de domaines sur Internet. Voici un peu la procĂ©dure.
Aujourdâhui, nous avons considĂ©rablement simplifiĂ© cette procĂ©dure. Les gens ont encore en tĂȘte lâancienne procĂ©dure qui nĂ©cessitait lâenvoi de dossiers physiques Ă lâARCEP qui validait, transmettait Ă Moov Africa qui facturaitâŠ
Ce processus pouvait durer trois Ă six mois. Mais aujourdâhui, tout est automatisĂ©. Vous payez et crĂ©ez votre nom de domaine en ligne. Et puis vous attendez le nom de domaine opĂ©rationnel avant de commencer Ă lâutiliser.
Combien coûte un nom de domaine en « .bf » ?
Alors ça varie. Nous avons plusieurs critÚres. Les coûts varient de 6 500 à 20 000 FCFA par an pour les noms de domaine classiques. Alors, je vais rentrer dans les détails par rapport à la tarification, parce que nous avons une grille un peu complexe.
Dâabord, les noms de domaine sont classifiĂ©s en noms de domaine ordinaire et en nom de domaine Premium. Les noms de domaine ordinaires sont des noms de domaine qui sont directement sous le « .bf » et qui dĂ©passent trois caractĂšres. Par exemple abdi.bf, fait quatre caractĂšres : A, B, D, I.
Comme câest plus de trois caractĂšres et que câest directement sous le « .bf », on dira que ce nom de domaine est un nom de domaine ordinaire, donc son coĂ»t va ĂȘtre tout au plus 20âŻ000 FCFA TTC. LâARCEP a plafonnĂ© les coĂ»ts.
Les noms de domaine « Premium » sont des noms de domaine qui ont moins de quatre caractĂšres. Par exemple, si vous prenez ab.bf, ça vous fait deux caractĂšres. Ăa va vous coĂ»ter 200âŻ000 FCFA par an. Si vous prenez abc.bf, ça vous fait trois caractĂšres. Et ça va coĂ»ter 50âŻ000 FCFA par an.
Si vous prenez un nom de domaine, quel que soit le nombre de caractĂšres, mais qui correspond Ă une marque, ça va coĂ»ter au moins 200 000 FCFA par an. Prenons Lefaso.net. Si vous protĂ©gez « Lefaso » au niveau de lâorganisation africaine de la propriĂ©tĂ© intellectuelle, il devient alors une marque. En ce moment, si vous venez pour enregistrer « Lefaso », ça va vous coĂ»ter au moins 200âŻ000 FCFA par an.
Il y a aussi les noms de domaine sectoriels. Ce sont des noms de domaine qui ne sont pas directement sous le « .bf ». Vous avez univ.bf, edu.bf, com.bf, net.bf, art.bf⊠Ce sont des noms de domaine qui correspondent Ă des secteurs dâactivitĂ©. Si vous prenez un nom de domaine sectoriel, vous payez au maximum 10âŻ000 FCFA par an. Si jâai une entreprise qui sâappelle « pareetfreres.com.bf », ça va donc me coĂ»ter au maximum 10âŻ000 FCFA.
Maintenant, il y a une exception pour le point perso « .bf » quâon a mis en place pour les personnes physiques. Si vous, BassolĂ©, voulez un nom de domaine qui ne coĂ»te pas cher mais qui fait le job, vous allez prendre le « bassole.bf » et ça va coĂ»ter au maximum 6 500 FCFA.
VoilĂ un peu les tarifications autour des noms de domaine dans notre pays et cette tarification est encadrĂ©e par dĂ©cision de lâAutoritĂ© de rĂ©gulation des communications Ă©lectroniques et des postes. Et lâABDI ne fait que lâappliquer aux bureaux dâenregistrement accrĂ©ditĂ©s et chacun fait sa planification spĂ©cifique en fonction des seuils que lâARCEP a fixĂ©s.
Quelle est la situation de la migration des protocoles Internet IPv4 vers IPv6 au Burkina Faso ?
Sur Internet, tous les objets ont une adresse, tous les objets ont une adresse, tout comme vos tĂ©lĂ©phones ont des numĂ©ros. Les ordinateurs, les smartphones qui sont connectĂ©s Ă Internet ont tous un numĂ©ro, un numĂ©ro quâon appelle adresse IP, Internet Protocole.
Il se trouve quâil y a un premier systĂšme de numĂ©rotation qui a Ă©tĂ© mis en place dĂ©nommĂ© IP version 4. IP version 4 est un systĂšme de numĂ©rotation sur Internet qui est rĂ©pandu et utilisĂ© sur Internet pour permettre Ă ce que chaque Ă©quipement qui se connecte Ă Internet puisse avoir un numĂ©ro et donc communiquer avec les autres Ă©quipements qui sont connectĂ©s.
Il se trouve quâavec IPv4, nous nâavons pas suffisamment dâadresses ; le nombre dâadresses est aujourdâhui quasiment Ă©puisĂ©. Et donc il faut quâon quitte le systĂšme de numĂ©rotation en version quatre pour aller vers un systĂšme qui offre beaucoup plus de capacitĂ© dâadressage sur Internet. Donc, câest ce systĂšme qui est appelĂ© Internet Protocol version six, IPv6. Alors aujourdâhui, chaque pays sâorganise pour pouvoir aller vers IPv6.
Ce nouveau systĂšme de numĂ©rotation Internet est un peu complexe, et ça prend du temps parce quâil y a des dĂ©fis importants Ă relever pour pouvoir assurer cette migration.
Le premier dĂ©fi Ă relever, câest le renforcement des capacitĂ©s. Les ingĂ©nieurs, les techniciens ont Ă©tĂ© formĂ©s la plupart du temps sur le protocole IPv4. Il faut donc renforcer leurs capacitĂ©s de sorte Ă ce quâils puissent gĂ©rer convenablement les rĂ©seaux informatiques en IPv6. Il y a un dĂ©fi de renforcement de capacitĂ©s gĂ©nĂ©rales Ă faire au niveau de chaque pays. Chaque pays sâattĂšle Ă cela. VoilĂ pourquoi ça prend un peu de temps.
Le deuxiÚme aspect est que cette migration nécessite une mise à niveau des équipements.
Ce nâest pas tout dâĂ©quipement rĂ©seau qui supporte IPv6. Donc, il faut mettre Ă niveau les Ă©quipements et cette mise Ă niveau consiste souvent mĂȘme Ă remplacer purement et simplement les Ă©quipements. Cela se fait progressivement.
Par exemple, lâensemble des terminaux qui sortent sont compatibles IPv6. Quand je parle de terminaux, je veux parler de nos smartphones, nos ordinateurs. Aujourdâhui, tout est compatible IPv6, mais il se trouve que les Ă©quipements des opĂ©rateurs ne sont pas encore tous compatibles IPv6. Donc, il faut quâil y ait des plans dâĂ©quipements, des plans de renforcement des infrastructures des opĂ©rateurs pour les mettre Ă niveau afin quâils puissent supporter ce nouveau protocole IPv6. La migration implique des investissements importants pour moderniser les infrastructures.
En rĂ©alitĂ©, nul ne pourra se dĂ©rober Ă cette migration. On est obligĂ© dâaller vers ce protocole IPv6 parce que, comme je lâai dit, nous nâavons plus dâadresses IP pour adresser les Ă©quipements. Or, les innovations numĂ©riques progressant, tout a tendance Ă ĂȘtre connectĂ© sur Internet. On parle de lâInternet des objets.
Aujourdâhui, on connaĂźt les rĂ©frigĂ©rateurs sur Internet, on a des camĂ©ras de surveillance Ă domicile qui sont connectĂ©es sur Internet. On a des climatiseurs qui sont connectĂ©s sur Internet, on a des vĂ©hicules autonomes sans chauffeur, qui doivent circuler et qui font tout grĂące Ă Internet. Et ça ne peut pas marcher sâils nâont pas dâadresse IP. On nâa pas dâautre choix que dâaller vers IPv6.
Au Burkina, on peut dire que les choses sont en train de se mettre en place depuis que lâABDI sâest intĂ©ressĂ©e Ă cette question-lĂ . Nous menons des actions dans ce sens. Il vous souviendra quâen dĂ©but dâannĂ©e, je crois que câĂ©tait le 12 avril 2024, nous avons organisĂ© le premier forum sur lâIPv6 au Burkina Faso. Nous lâavons appelĂ© « Burkina Faso IPv6 Forum ».
Ce forum a Ă©tĂ© une occasion pour faire un peu lâĂ©tat des lieux, pour dĂ©gager des perspectives, informer, sensibiliser les acteurs de sorte Ă ce quâon puisse faire cette transition de la meilleure des façons. Et Ă lâoccasion de ce forum, nous avons encouragĂ© les acteurs du secteur, notamment les Fournisseurs dâaccĂšs Internet (FAI), en leur dĂ©cernant des attestations dâencouragement Ă aller vers IPv6. Nous avons primĂ© certains dâentre eux, en leur dĂ©cernant des prix IPv6 activĂ©s parce quâaujourdâhui certains ont dĂ©jĂ activĂ© ce protocole dans le rĂ©seau.
En plus de rĂ©soudre la question du nombre limitĂ© dâadresses, IPv6 apporte une couche supplĂ©mentaire de sĂ©curitĂ©. Par exemple, dans le cadre de lâidentification des internautes, nous rencontrons des difficultĂ©s, car une adresse peut ĂȘtre utilisĂ©e par plusieurs personnes. Mais avec IPv6, chacun aura son adresse IP, tout comme chacun a son numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone. Si vous commettez des gaffes avec votre numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone, on va vous trouver plus facilement. Ăa va devenir ainsi lorsque IPv6 sera activĂ© dans les diffĂ©rents rĂ©seaux.
La 19á” Ă©dition de la Semaine du numĂ©rique sâest achevĂ©e le vendredi 15 novembre 2024. Quelles ont Ă©tĂ© les principales activitĂ©s organisĂ©es par lâABDI lors de cet Ă©vĂ©nement ?
La 19á” Ă©dition de la Semaine du numĂ©rique sâest dĂ©roulĂ©e du 12 au 15 novembre 2024 au Burkina Faso. Et Ă cette occasion-lĂ , lâABDI a initiĂ© une grosse campagne pour ĂȘtre prĂ©sente Ă cette manifestation importante pour notre pays. Nous avons dĂ©nommĂ© cette opĂ©ration « Offensive ABDI ».
CâĂ©tait une grosse offensive pour faire connaĂźtre lâassociation, faire connaĂźtre nos actions, faire connaĂźtre le « .bf » et puis essayer de jouer notre rĂŽle convenablement dans lâĂ©cosystĂšme numĂ©rique de notre pays. Nous avons animĂ© un stand dâexposition pendant les quatre jours. Nous avons accueilli 300 visiteurs avec qui nous avons pu Ă©changer autour de nos produits et services, de notre mission, et principalement du nom de domaine « .bf ».
En dehors du stand dâexposition, nous avons organisĂ© un grand forum, le Burkina Faso DNS Forum. Ce forum sâest tenu le 13 novembre au pavillon Kilimandjaro du SIAO. Il a vĂ©ritablement connu un engouement exceptionnel, avec environ 250 participants. La cĂ©rĂ©monie dâouverture a Ă©tĂ© prĂ©sidĂ©e par Dr Aminata Zerbo/SabanĂ©, ministre de la transition digitale, des postes et des communications Ă©lectroniques.
Ce forum avait Ă©galement deux parrains : M. Patrice CompaorĂ©, secrĂ©taire exĂ©cutif de lâAutoritĂ© de rĂ©gulation des communications Ă©lectroniques et des postes, et M. Roland Somda, ministre des sports, de la jeunesse et de lâemploi. Nous avons eu le prestige et le privilĂšge dâavoir ces autoritĂ©s pour parrainer cette activitĂ©.
Le forum sâest tenu autour du thĂšme « Industrie des noms de domaine, entrepreneuriat et autonomisation des jeunes ». Ce fut une vĂ©ritable occasion pour la jeunesse de dĂ©couvrir les opportunitĂ©s dâentrepreneuriat et dâautonomisation offertes par lâindustrie des noms de domaine « .bf ».
Nous avons expliquĂ© comment ces noms de domaine peuvent permettre de devenir autonomes, dâautant plus quâaujourdâhui, notre pays a adoptĂ© le statut de lâĂ©tudiant entrepreneur. Nous pensons que lâindustrie des noms de domaine peut contribuer Ă concrĂ©tiser ce statut, crĂ©er de lâemploi et autonomiser lâensemble des jeunes dans notre pays, en permettant Ă ceux-ci de devenir des revendeurs de noms de domaine et de travailler dans dâautres types dâemplois liĂ©s Ă cette industrie.
Le thĂšme du forum a Ă©tĂ© dissĂ©quĂ© lors dâun grand panel animĂ© par dâĂ©minentes personnalitĂ©s, des experts du numĂ©rique, de lâemploi, de la communication et du marketing.
Un certain nombre de recommandations ont Ă©tĂ© formulĂ©es. La premiĂšre recommandation majeure Ă©tait de renforcer les capacitĂ©s des jeunes en matiĂšre de numĂ©rique pour quâils puissent saisir les opportunitĂ©s offertes par lâindustrie des noms de domaine.
La deuxiĂšme recommandation Ă©tait de pĂ©renniser ce forum. Ce forum est organisĂ© depuis sa premiĂšre Ă©dition sans discontinuer, et les acteurs ainsi que les participants souhaitent quâil perdure.
Voilà un peu deux petites recommandations sur lesquelles on peut revenir sinon, il y a eu un certain nombre de recommandations qui ont été formulées à ce forum.
Est-ce quâon peut dire, au regard de tout ce que vous avez dit, que vous avez atteint vos objectifs Ă cette Semaine du numĂ©rique ?
Pour nous, les objectifs ont été atteints. Nous avons pu animer convenablement notre stand. Nous sommes aussi satisfaits de la troisiÚme édition du Forum DNS.
Lâautre point que je nâavais pas Ă©voquĂ© et qui faisait partie de nos ambitions, câĂ©tait lâorganisation du prix du meilleur registrar « .bf ». Et lĂ aussi, nous avons rĂ©ussi Ă organiser ce prix et primer les trois premiers bureaux dâenregistrement du « .bf ».
Le 1er, câest AFRIREGISTER Burkina, le 2e, câest IT-NUM et le 3e, câest IKA Solution. Nous avons donnĂ© un prix spĂ©cial au meilleur registrar national. Câest aussi un motif de satisfaction pour nous parce que les bureaux dâenregistrement, qui sont nos premiers partenaires de distribution des noms de domaine « .bf », Ă©taient vĂ©ritablement satisfaits de ce Prix qui est Ă sa toute premiĂšre Ă©dition. Nous avons reçu des messages qui nous disent que nous faisons partie des registres de noms de domaine correspondant aux codes de pays qui accordent autant dâattention Ă leurs bureaux dâenregistrement accrĂ©ditĂ©s.
Nous avions aussi pour ambition de pouvoir organiser une opĂ©ration marketing du « .bf ». Et lĂ aussi, je pense que nous sommes en passe dâatteindre nos objectifs Ă ce niveau. Nous avons voulu faire un clin dâĆil Ă lâensemble des usagers du « .bf » en faisant en sorte quâils puissent enregistrer et renouveler gratuitement leur nom de domaine pendant ce mois de novembre. Cette opĂ©ration marketing gratuite de noms de domaine se poursuit jusquâau 30 novembre 2024. Il est vrai quâil y a des conditions : il faut ĂȘtre une entreprise ou une association de droit burkinabĂš, crĂ©Ă©e en 2023 ou en 2024, pour bĂ©nĂ©ficier de cette offre promotionnelle. Ă ce jour, nous avons environ 700 souscriptions pour un objectif de 1100 souscriptions. Je pense quâĂ la clĂŽture, le 30 novembre Ă 23h59, nous serons au-delĂ des 1100 souscriptions attendues.
Lâautre ambition aussi que nous avions Ă©tait de conduire une campagne dâinformation et de sensibilisation du grand public. Je pense que lĂ aussi, il y a pas mal de choses qui ont Ă©tĂ© faites.
Nous avons eu des couvertures mĂ©diatiques sur lâensemble de nos activitĂ©s. Nous avons rĂ©alisĂ© des interviews avec la presse et diffusĂ© des spots publicitaires avec diffĂ©rents mĂ©dias, quâils soient Ă©crits, en ligne, audiovisuels, ou sur les rĂ©seaux sociaux. Une grande campagne est Ă©galement en cours pour informer et sensibiliser le grand public sur ce que nous faisons et sur notre produit, le « .bf ».
Au-delĂ de tout cela, je pense que nous sommes satisfaits de tout ce qui sâest passĂ© pendant cette semaine et nos objectifs sont atteints grĂące Ă nos partenaires, mais aussi grĂące Ă lâensemble des clients et des usagers du « .bf » et Ă tous les acteurs de lâĂ©cosystĂšme numĂ©rique.
Avez-vous déjà les regards tournés sur la 20e édition de la Semaine du numérique ?
Au regard de ce que nous avons fait pendant cette 19á” Ă©dition de la Semaine du numĂ©rique, je crois que nous sommes trĂšs attendus pour la 20á” Ă©dition et nous allons concocter un programme encore plus ambitieux pour ĂȘtre Ă la hauteur des attentes que les acteurs du secteur ont vis-Ă -vis de notre organisation dans le sens de la promotion du nom de domaine « .bf » et de la promotion de la migration vers le protocole IPv6.
On va peut-ĂȘtre sâattaquer Ă deux autres actions prioritaires pour notre association. Il sâagit notamment de la promotion de la souverainetĂ© numĂ©rique et de la promotion de lâinclusion numĂ©rique. Ce sont aussi des Ă©lĂ©ments que nous allons explorer pendant la 20á” Ă©dition de la Semaine du numĂ©rique.
Et en attendant cette 20á” Ă©dition, quels sont les projets et initiatives Ă venir ?
Au niveau de lâABDI, aujourdâhui, nous avons des initiatives cruciales pour notre organisation.
Dâabord, nous sommes en train de conduire un projet de renforcement de la sĂ©curitĂ© du registre « .bf ». Câest une initiative extrĂȘmement importante qui va nous permettre de signer la zone « .bf » grĂące Ă un protocole de sĂ©curisation qui est le DNSSEC (Domain Name System Security Extension). Câest un protocole qui permet en rĂ©alitĂ© de sĂ©curiser les registres des noms de domaine. Nous sommes en train de mettre les bouchĂ©es doubles pour pouvoir boucler ce projet et pouvoir renforcer la sĂ©curitĂ© du registre des noms de domaine « .bf ».
Nous sommes Ă©galement engagĂ©s pour le dĂ©veloppement du rĂ©seau des distributeurs des noms de domaine « .bf ». Je disais tantĂŽt quâon avait dix bureaux dâenregistrement accrĂ©ditĂ©s. Il faut quâon puisse accroĂźtre ce nombre de bureaux dâenregistrement pour pouvoir attaquer le marchĂ© qui est mondial. Le marchĂ© des noms de domaine « .bf » est un marchĂ© mondial. Plus de 60% des usagers du « .bf » ne sont pas au Burkina Faso.
Nous avons une initiative Ă lâendroit des jeunes. Nous voulons former une cinquantaine de jeunes sur lâindustrie des noms de domaine et les accompagner Ă devenir des revendeurs de noms de domaine. A lâimage de ce qui sâest passĂ©, quand la tĂ©lĂ©phonie mobile est arrivĂ©e dans nos pays, des jeunes ont commencĂ© Ă vendre des crĂ©dits de communications par ci par lĂ . Au dĂ©but, les gens pensaient que ce nâĂ©tait rien, mais les gens ont vendu des unitĂ©s et sont devenus des millionnaires. Câest ce qui va se passer avec les noms de domaine. Pour lâinstant, les gens ne voient pas les enjeux, mais je suis convaincu que des milliardaires sortiront de ces jeunes qui vont sâintĂ©resser Ă ces noms de domaine-lĂ .
Nous avons un centre de formation que nous avons appelĂ© GambrĂ© Academy Center. Nous avons essentiellement trois programmes de formation que nous sommes en train de dĂ©velopper. Le premier programme est relatif Ă des formations sur le systĂšme des noms de domaine, des formations techniques sur la gestion des rĂ©seaux en IPv6, des formations sur la gouvernance de lâInternet et enfin des formations pour dĂ©cideurs sur les technologies innovantes, notamment lâintelligence artificielle, la Blockchain, lâInternet des objets.
VoilĂ un peu les actions en cours au niveau de lâABDI. En plus de ce que jâai citĂ©, on pense au lancement dâun laboratoire que nous avons appelĂ© GambrĂ© LAB et aussi au lancement dâun fonds de soutien au dĂ©veloppement de lâInternet. Dans le cadre de la convention que nous avons signĂ©e avec lâARCEP, on doit mettre en place un fonds de dĂ©veloppement de lâInternet. Nous sommes dans le processus de prĂ©paration pour pouvoir lancer ce fonds en 2025 et aussi dans le processus de consolidation du DNS.
Un mot de fin !
Nous invitons les BurkinabĂš Ă consommer local et Ă prendre un nom de domaine en extension « .bf » pour leur site web et leurs adresses de messagerie, pour toute plateforme numĂ©rique quâils mettent en place.
DeuxiĂšmement, il faut dire que ces noms de domaine constituent un domaine Ă©conomique important et que lâensemble des jeunes burkinabĂš peuvent sâautonomiser grĂące Ă des activitĂ©s rĂ©munĂ©ratrices de revenu. Lâindustrie des noms de domaine est un domaine vierge qui peut ĂȘtre exploitĂ© dans le cas de lâentreprenariat des jeunes. Nous invitons tous les acteurs de lâĂ©cosystĂšme Ă soutenir les activitĂ©s de lâABDI, Ă sâintĂ©resser Ă ce que lâassociation fait, Ă nous accompagner de sorte Ă ce que nous puissions atteindre notre objectif. Et cet accompagnement peut se faire aussi Ă travers leur adhĂ©sion Ă lâorganisation qui est ouverte Ă tous.
Nous remercions enfin Lefaso.net pour tout lâaccompagnement dont on a bĂ©nĂ©ficiĂ© depuis la crĂ©ation de lâassociation. Merci pour votre disponibilitĂ© et merci pour tout ce que vous faites pour lâABDI.
Entretien réalisé par Fredo Bassolé Lefaso.net