L’Association burkinabè des domaines Internet (ABDI) participe au Salon international des TIC et de la bureautique de Ouagadougou, l’une des principales attractions de la 19e édition de la Semaine du numérique. Pour en savoir plus sur cette association et ses initiatives de promotion du « .bf », nous avons rencontré Anicet Savadogo, ingénieur informaticien, ce jeudi 14 novembre 2024.
Lefaso.net : Présentez-nous l’ABDI !
Anicet Sawadogo : L’Association burkinabè des domaines Internet est une organisation de la société civile, à but non lucratif, apolitique et laïque, créée par des acteurs du secteur des technologies de l’information et de la communication, dans le but de contribuer au développement de l’Internet au Burkina Faso. Par délégation de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), elle assure la fonction d’opérateur de registre des noms de domaine de premier niveau, le « .bf », et promeut la migration d’IPv4 vers IPv6. Elle gère également un fonds de soutien au développement de l’Internet. Voilà en quelques mots ce que l’on peut dire de l’association.
Quelle est l’activité phare de l’ABDI ?
L’activité phare de l’ABDI est la vente d’une large gamme de noms de domaine en « .bf ». En plus de cela, nous coordonnons la migration de l’Internet Protocol V4 vers l’Internet Protocol V6 et organisons des formations professionnelles en DNS et IPv6 pour les étudiants et les professionnels.
Comment jugez-vous l’adoption du « .bf » par les Burkinabè ?
On peut dire que l’adoption progresse petit à petit. Actuellement, nous avons un volume de 5 385 noms de domaine en « .bf », contre environ 3 000 en 2023. De plus en plus de personnes adoptent le « .bf » pour leur identité dans le cyberespace.
Qu’est-ce qui explique la lente adoption du « .bf » par les Burkinabè ?
L’adoption du « .bf » n’était pas très vulgarisée auparavant. Acquérir un nom de domaine était compliqué à cause des lourdeurs administratives, et beaucoup de gens ne connaissaient pas le produit. Ces deux facteurs expliquent cette lente adoption.
Avez-vous une offre promotionnelle pour encourager l’adoption du « .bf » ?
En marge de la Semaine du numérique, nous proposons une offre promotionnelle pour l’enregistrement des noms de domaine en « .bf » destinée aux entreprises et associations récentes au Burkina Faso. Du 10 au 30 novembre 2024, l’enregistrement et le renouvellement des noms de domaine « .bf » sont gratuits pour les entreprises privées et les associations de droit burkinabè créées en 2023 ou 2024. Cette promotion est limitée aux 1 100 premiers souscripteurs.
Quels sont les avantages d’utiliser le « .bf » ?
Le premier avantage est l’appartenance numérique. C’est une forme de consommons local, chaque pays ayant son identité sur internet, et notre identité est le « .bf ». De plus, il offre des avantages en termes de sécurité. Parce que pour avoir un « .bf », il y a un certain nombre d’informations qu’on requiert pour au moins savoir qui se cache derrière le site. Cela renforce la crédibilité aux yeux des collaborateurs. Enfin, utiliser le « .bf » apporte une notoriété et un professionnalisme supplémentaire, avec des adresses e-mail professionnelles affiliées au « .bf » pour les entreprises.
Comment trouvez-vous l’affluence au SITICO ?
Concernant la Semaine du numérique, l’affluence est satisfaisante. Beaucoup de personnes s’intéressent aux produits et services que nous offrons.
« Les noms de domaine constituent une mine d’or. Pour l’instant, les gens ne perçoivent pas encore les enjeux, mais je suis convaincu que des milliardaires émergeront parmi ces jeunes qui s’intéresseront aux noms de domaine. » Telle est la conviction de Izaï Toé, secrétaire exécutif de l’Association burkinabè des domaines Internet (ABDI), une organisation engagée dans la promotion du « .bf », le territoire numérique burkinabè. Dans un entretien qu’il nous a accordé le mardi 19 novembre 2024, au siège de l’association sis aux 1200 logements, Izaï Toé revient sur les défis de l’ABDI et sa participation à la 19e édition de la Semaine du numérique, qui s’est achevée le 15 novembre.
Lefaso.net : Pouvez-vous nous parler des objectifs et de la vision de l’Association burkinabè des domaines Internet (ABDI) ?
I.T. : L’Association burkinabè des domaines Internet est une organisation de la société civile burkinabè, créée en 2018 par des acteurs du secteur des technologies de l’information et de la communication. L’ABDI a pour mission de contribuer au développement de l’Internet au Burkina Faso. Elle s’est fixé une vision ambitieuse : devenir, à l’horizon 2027, un registre Internet performant offrant des services numériques innovants.
Aujourd’hui, l’association compte 29 membres issus de l’administration publique, du secteur privé et de la société civile. Pour le moment, seules des personnes morales peuvent être membres.
Nous intervenons principalement dans trois domaines : l’adressage sur Internet, la gouvernance de l’Internet et la promotion du numérique.
Pour ces trois axes, nous avons identifié trois actions prioritaires à savoir la promotion des noms de domaine « .bf », la migration vers le protocole IPv6 et la souveraineté et l’inclusion numériques.
L’association a signé une convention avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), entité nationale responsable des noms de domaine « .bf ». Grâce à cette convention, l’ARCEP a délégué à l’ABDI la gestion administrative, technique et commerciale des noms de domaine « .bf ».
Comment devient-on membre de l’ABDI ?
L’association est ouverte. Comme pour toute organisation, il suffit d’adhérer aux statuts et au règlement intérieur. Toute personne morale acceptant ces dispositions peut y adhérer.
Je profite de cette occasion pour inviter l’ensemble des acteurs du secteur des technologies de l’information et de la communication à rejoindre cette association, qui, selon moi, a une mission noble : contribuer au développement de l’Internet au Burkina Faso.
Aujourd’hui, l’importance de l’Internet pour le développement socio-économique des États n’est plus à démontrer. Nous croyons qu’avec davantage de membres, nous pourrons atteindre nos objectifs de manière plus efficace.
Les conditions d’adhésion sont simples : il suffit de se rendre sur notre site web www.abdi.bf et de remplir le formulaire d’adhésion. Des frais d’adhésion, très abordables, sont à prévoir, ainsi que des cotisations annuelles. Ces dernières varient selon les membres : certaines structures versent jusqu’à 10 millions de francs CFA par an, tandis que d’autres s’acquittent de 35 000 francs.
L’association rassemble des membres variés. Il y a des structures publiques comme l’Agence nationale de promotion des TIC (ANPTIC), l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI), l’Université virtuelle qui sont membres.
Il y a également les trois opérateurs de téléphonie qui sont membres et des associations comme l’Initiative pour la gouvernance de l’Internet au Burkina Faso (IGF-BF), Internet Society (ISOC).
En raison de cette diversité, l’assemblée générale fixe des cotisations annuelles adaptées à chaque catégorie de membre
Quelles sont les principales actions que mène l’ABDI pour promouvoir le « .bf » ?
Depuis l’opérationnalisation du secrétariat exécutif en 2021, plusieurs actions ont été entreprises. Sur le renforcement du cadre juridique, notons que la loi 011 sur les noms de domaine, adoptée en 2010 au Burkina Faso, manquait de textes d’application. Dès 2021, nous avons commencé à travailler pour combler ce vide en proposant plusieurs décisions au Conseil de régulation de l’ARCEP, notamment la charte de nommage du « .bf », les conditions d’accréditation des bureaux d’enregistrement et le cahier des charges des bureaux d’enregistrement. En tant qu’organisation jeune, créée en 2018, l’ABDI s’est attelée à renforcer son cadre institutionnel. Nous avons rendu opérationnel le secrétariat exécutif en recrutant sept agents permanents. Cela nous permet aujourd’hui de mener nos activités de manière efficace.
En dehors de ces deux aspects, nous nous sommes attelés à finaliser le processus de modernisation du système des noms de domaine au Burkina Faso. L’ARCEP avait déjà entamé une procédure d’automatisation de la gestion des noms de domaine, notamment leur acquisition. Lorsque l’ABDI a pris les choses en main, nous nous sommes employés à poursuivre et à accélérer ce processus d’automatisation du registre « .bf », afin de permettre aux demandeurs de noms de domaine d’accéder à des services plus rapides et simplifiés.
En plus de cela, nous avons entamé l’opérationnalisation du modèle « 3R » en matière de gestion des noms de domaine. Dans le modèle « 3R », le premier « R », c’est le registre, le deuxième, c’est le registraire et le troisième « R », c’est le registrant.
En réalité, ce sont des acteurs qui interviennent dans la chaîne de valeur des noms de domaine. Le registre, c’est l’autorité qui s’occupe de la gestion de l’annuaire des noms de domaine. Au Burkina Faso, l’ARCEP est le registre officiel, et l’ABDI en est l’opérateur technique
Les registrars ou registraire en français sont des bureaux d’enregistrement, des entreprises privées jouant le rôle d’intermédiaires entre le registre et les utilisateurs finaux du « .bf », appelés registrant.
Il faut dire que nous nous sommes attelés à rendre ce modèle opérationnel, car il est préconisé par les institutions internationales. Le modèle « 3R » a fait ses preuves d’un bon fonctionnement pour ce qui est de la gestion des ccTLD (Country Code Top-Level Domain), les noms de domaine correspondant aux codes pays. Ce modèle a prouvé son efficacité pour une gestion inclusive et efficace du registre Internet de chaque pays.
En trois ou quatre ans, des progrès significatifs ont été réalisés pour mettre en place et améliorer le registre des noms de domaine « .bf ».
Quels sont les avantages à adopter le « .bf » pour les Burkinabè ?
C’est une question récurrente, car il existe de nombreuses autres extensions, et malheureusement, le « .bf » n’est pas encore la plus utilisée dans notre pays.
Tout d’abord, le « .bf », c’est l’identité numérique du Burkina Faso. J’aime dire que c’est notre territoire numérique national. Toutes les organisations ayant un intérêt pour le Burkina Faso, qu’elles soient de droit burkinabè ou non, devraient posséder un nom de domaine en « .bf », en plus de toute autre extension. Deuxièmement, choisir le « .bf » est une question de souveraineté numérique et de patriotisme. Lorsque l’on est Burkinabè, il est essentiel d’utiliser cette extension, qui est officiellement associée à notre pays par les institutions internationales.
Troisièmement, le « .bf » offre un avantage en termes de sécurité. C’est facile d’avoir des noms de domaines génériques. Quand c’est facile, cela veut dire que la procédure pour les acquérir n’est pas assez renforcée.
En revanche, pour obtenir un « .bf », nous prenons le temps de vérifier l’identité des demandeurs. Nous devons savoir qui vous êtes, avoir vos coordonnées et comprendre votre activité avant de vous accorder un nom de domaine en « .bf ». Cela garantit que cette identité numérique nationale ne soit pas donnée à n’importe qui. Donc, la sécurité est un élément, de notre point de vue, qui fait la différence avec les autres noms de domaine.
Quatrièmement, les noms de domaine constituent une véritable industrie. À grande échelle, ils pourraient générer des revenus considérables pour le Burkina Faso. Vous savez que l’enregistrement des noms de domaine est payant et que le renouvellement l’est aussi. Par exemple, si nous atteignons deux millions de noms de domaine enregistrés et que chaque enregistrement coûte 2 000 FCFA, cela représenterait 4 milliards de francs CFA.
La moitié de cette somme pourrait provenir de l’étranger. Si des organisations internationales choisissent le « .bf », cela ferait entrer des devises dans notre pays. Le registre des noms de domaine « .bf » est une mine d’or que le Burkina Faso doit exploiter et promouvoir auprès des entreprises internationales opérant dans notre pays. Ces entreprises devraient être encouragées à adopter le « .bf », en plus de toute autre extension qu’elles utilisent.
En somme, il existe un enjeu économique majeur autour des noms de domaine, qui n’est pas encore bien perçu par tous les acteurs, mais que nous nous efforçons de mettre en lumière
Et quelle est la situation des noms de domaine au Burkina ?
Malheureusement, aujourd’hui, la situation n’est pas reluisante parce que nous avons environ 5 000 noms de domaine. C’est très dérisoire par rapport à nos ambitions. Voilà, pourquoi nous devons continuer à intensifier la communication et la sensibilisation des acteurs, mais aussi à renforcer la réglementation.
À un moment donné, je pense qu’il faudra instaurer une réglementation obligeant certains acteurs à adopter le « .bf » s’ils souhaitent s’installer au Burkina Faso. Cela se fait dans d’autres pays. Bien sûr, cela ne vous empêche pas d’avoir d’autres noms de domaine, mais vous seriez tenus d’avoir également un « .bf ».
Quelle est la procédure à suivre pour acquérir un nom de domaine en « .bf » ?
Pour obtenir un nom de domaine en « .bf », il ne faut pas s’adresser directement à l’ABDI. L’ARCEP a accrédité des bureaux d’enregistrement, qui agissent comme intermédiaires. Nous encourageons toutes les personnes intéressées à contacter ces bureaux d’enregistrement accrédités.
Actuellement, il existe dix bureaux accrédités, tous capables de fournir des services de qualité. Ces bureaux ont été soumis à un contrôle rigoureux de l’ARCEP avant d’obtenir leur accréditation. L’ABDI coordonne leurs activités.
Pour la procédure, allez sur notre site web www.abdi.bf. Dans la rubrique registrar, vous trouverez la liste des dix bureaux d’enregistrement. Contactez le bureau de votre choix pour qu’il procède à l’enregistrement de votre nom de domaine. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux ont mis en place une plateforme automatisée d’enregistrement des noms de domaine.
Vous aurez accès à un espace avec des formulaires à remplir en un clin d’œil. Le paiement peut se faire par Mobile Money. Ensuite, validez la création de votre nom de domaine. Une fois que vous avez payé et validé, le nom de domaine est automatiquement créé sur nos serveurs et vous n’avez qu’à attendre à peu près une heure trente minutes pour que le nom de domaine soit actif sur Internet. On a besoin d’un petit temps de propagation du nouveau nom de domaines sur Internet. Voici un peu la procédure.
Aujourd’hui, nous avons considérablement simplifié cette procédure. Les gens ont encore en tête l’ancienne procédure qui nécessitait l’envoi de dossiers physiques à l’ARCEP qui validait, transmettait à Moov Africa qui facturait…
Ce processus pouvait durer trois à six mois. Mais aujourd’hui, tout est automatisé. Vous payez et créez votre nom de domaine en ligne. Et puis vous attendez le nom de domaine opérationnel avant de commencer à l’utiliser.
Combien coûte un nom de domaine en « .bf » ?
Alors ça varie. Nous avons plusieurs critères. Les coûts varient de 6 500 à 20 000 FCFA par an pour les noms de domaine classiques. Alors, je vais rentrer dans les détails par rapport à la tarification, parce que nous avons une grille un peu complexe.
D’abord, les noms de domaine sont classifiés en noms de domaine ordinaire et en nom de domaine Premium. Les noms de domaine ordinaires sont des noms de domaine qui sont directement sous le « .bf » et qui dépassent trois caractères. Par exemple abdi.bf, fait quatre caractères : A, B, D, I.
Comme c’est plus de trois caractères et que c’est directement sous le « .bf », on dira que ce nom de domaine est un nom de domaine ordinaire, donc son coût va être tout au plus 20 000 FCFA TTC. L’ARCEP a plafonné les coûts.
Les noms de domaine « Premium » sont des noms de domaine qui ont moins de quatre caractères. Par exemple, si vous prenez ab.bf, ça vous fait deux caractères. Ça va vous coûter 200 000 FCFA par an. Si vous prenez abc.bf, ça vous fait trois caractères. Et ça va coûter 50 000 FCFA par an.
Si vous prenez un nom de domaine, quel que soit le nombre de caractères, mais qui correspond à une marque, ça va coûter au moins 200 000 FCFA par an. Prenons Lefaso.net. Si vous protégez « Lefaso » au niveau de l’organisation africaine de la propriété intellectuelle, il devient alors une marque. En ce moment, si vous venez pour enregistrer « Lefaso », ça va vous coûter au moins 200 000 FCFA par an.
Il y a aussi les noms de domaine sectoriels. Ce sont des noms de domaine qui ne sont pas directement sous le « .bf ». Vous avez univ.bf, edu.bf, com.bf, net.bf, art.bf… Ce sont des noms de domaine qui correspondent à des secteurs d’activité. Si vous prenez un nom de domaine sectoriel, vous payez au maximum 10 000 FCFA par an. Si j’ai une entreprise qui s’appelle « pareetfreres.com.bf », ça va donc me coûter au maximum 10 000 FCFA.
Maintenant, il y a une exception pour le point perso « .bf » qu’on a mis en place pour les personnes physiques. Si vous, Bassolé, voulez un nom de domaine qui ne coûte pas cher mais qui fait le job, vous allez prendre le « bassole.bf » et ça va coûter au maximum 6 500 FCFA.
Voilà un peu les tarifications autour des noms de domaine dans notre pays et cette tarification est encadrée par décision de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Et l’ABDI ne fait que l’appliquer aux bureaux d’enregistrement accrédités et chacun fait sa planification spécifique en fonction des seuils que l’ARCEP a fixés.
Quelle est la situation de la migration des protocoles Internet IPv4 vers IPv6 au Burkina Faso ?
Sur Internet, tous les objets ont une adresse, tous les objets ont une adresse, tout comme vos téléphones ont des numéros. Les ordinateurs, les smartphones qui sont connectés à Internet ont tous un numéro, un numéro qu’on appelle adresse IP, Internet Protocole.
Il se trouve qu’il y a un premier système de numérotation qui a été mis en place dénommé IP version 4. IP version 4 est un système de numérotation sur Internet qui est répandu et utilisé sur Internet pour permettre à ce que chaque équipement qui se connecte à Internet puisse avoir un numéro et donc communiquer avec les autres équipements qui sont connectés.
Il se trouve qu’avec IPv4, nous n’avons pas suffisamment d’adresses ; le nombre d’adresses est aujourd’hui quasiment épuisé. Et donc il faut qu’on quitte le système de numérotation en version quatre pour aller vers un système qui offre beaucoup plus de capacité d’adressage sur Internet. Donc, c’est ce système qui est appelé Internet Protocol version six, IPv6. Alors aujourd’hui, chaque pays s’organise pour pouvoir aller vers IPv6.
Ce nouveau système de numérotation Internet est un peu complexe, et ça prend du temps parce qu’il y a des défis importants à relever pour pouvoir assurer cette migration.
Le premier défi à relever, c’est le renforcement des capacités. Les ingénieurs, les techniciens ont été formés la plupart du temps sur le protocole IPv4. Il faut donc renforcer leurs capacités de sorte à ce qu’ils puissent gérer convenablement les réseaux informatiques en IPv6. Il y a un défi de renforcement de capacités générales à faire au niveau de chaque pays. Chaque pays s’attèle à cela. Voilà pourquoi ça prend un peu de temps.
Le deuxième aspect est que cette migration nécessite une mise à niveau des équipements.
Ce n’est pas tout d’équipement réseau qui supporte IPv6. Donc, il faut mettre à niveau les équipements et cette mise à niveau consiste souvent même à remplacer purement et simplement les équipements. Cela se fait progressivement.
Par exemple, l’ensemble des terminaux qui sortent sont compatibles IPv6. Quand je parle de terminaux, je veux parler de nos smartphones, nos ordinateurs. Aujourd’hui, tout est compatible IPv6, mais il se trouve que les équipements des opérateurs ne sont pas encore tous compatibles IPv6. Donc, il faut qu’il y ait des plans d’équipements, des plans de renforcement des infrastructures des opérateurs pour les mettre à niveau afin qu’ils puissent supporter ce nouveau protocole IPv6. La migration implique des investissements importants pour moderniser les infrastructures.
En réalité, nul ne pourra se dérober à cette migration. On est obligé d’aller vers ce protocole IPv6 parce que, comme je l’ai dit, nous n’avons plus d’adresses IP pour adresser les équipements. Or, les innovations numériques progressant, tout a tendance à être connecté sur Internet. On parle de l’Internet des objets.
Aujourd’hui, on connaît les réfrigérateurs sur Internet, on a des caméras de surveillance à domicile qui sont connectées sur Internet. On a des climatiseurs qui sont connectés sur Internet, on a des véhicules autonomes sans chauffeur, qui doivent circuler et qui font tout grâce à Internet. Et ça ne peut pas marcher s’ils n’ont pas d’adresse IP. On n’a pas d’autre choix que d’aller vers IPv6.
Au Burkina, on peut dire que les choses sont en train de se mettre en place depuis que l’ABDI s’est intéressée à cette question-là. Nous menons des actions dans ce sens. Il vous souviendra qu’en début d’année, je crois que c’était le 12 avril 2024, nous avons organisé le premier forum sur l’IPv6 au Burkina Faso. Nous l’avons appelé « Burkina Faso IPv6 Forum ».
Ce forum a été une occasion pour faire un peu l’état des lieux, pour dégager des perspectives, informer, sensibiliser les acteurs de sorte à ce qu’on puisse faire cette transition de la meilleure des façons. Et à l’occasion de ce forum, nous avons encouragé les acteurs du secteur, notamment les Fournisseurs d’accès Internet (FAI), en leur décernant des attestations d’encouragement à aller vers IPv6. Nous avons primé certains d’entre eux, en leur décernant des prix IPv6 activés parce qu’aujourd’hui certains ont déjà activé ce protocole dans le réseau.
En plus de résoudre la question du nombre limité d’adresses, IPv6 apporte une couche supplémentaire de sécurité. Par exemple, dans le cadre de l’identification des internautes, nous rencontrons des difficultés, car une adresse peut être utilisée par plusieurs personnes. Mais avec IPv6, chacun aura son adresse IP, tout comme chacun a son numéro de téléphone. Si vous commettez des gaffes avec votre numéro de téléphone, on va vous trouver plus facilement. Ça va devenir ainsi lorsque IPv6 sera activé dans les différents réseaux.
La 19ᵉ édition de la Semaine du numérique s’est achevée le vendredi 15 novembre 2024. Quelles ont été les principales activités organisées par l’ABDI lors de cet événement ?
La 19ᵉ édition de la Semaine du numérique s’est déroulée du 12 au 15 novembre 2024 au Burkina Faso. Et à cette occasion-là, l’ABDI a initié une grosse campagne pour être présente à cette manifestation importante pour notre pays. Nous avons dénommé cette opération « Offensive ABDI ».
C’était une grosse offensive pour faire connaître l’association, faire connaître nos actions, faire connaître le « .bf » et puis essayer de jouer notre rôle convenablement dans l’écosystème numérique de notre pays. Nous avons animé un stand d’exposition pendant les quatre jours. Nous avons accueilli 300 visiteurs avec qui nous avons pu échanger autour de nos produits et services, de notre mission, et principalement du nom de domaine « .bf ».
En dehors du stand d’exposition, nous avons organisé un grand forum, le Burkina Faso DNS Forum. Ce forum s’est tenu le 13 novembre au pavillon Kilimandjaro du SIAO. Il a véritablement connu un engouement exceptionnel, avec environ 250 participants. La cérémonie d’ouverture a été présidée par Dr Aminata Zerbo/Sabané, ministre de la transition digitale, des postes et des communications électroniques.
Ce forum avait également deux parrains : M. Patrice Compaoré, secrétaire exécutif de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, et M. Roland Somda, ministre des sports, de la jeunesse et de l’emploi. Nous avons eu le prestige et le privilège d’avoir ces autorités pour parrainer cette activité.
Le forum s’est tenu autour du thème « Industrie des noms de domaine, entrepreneuriat et autonomisation des jeunes ». Ce fut une véritable occasion pour la jeunesse de découvrir les opportunités d’entrepreneuriat et d’autonomisation offertes par l’industrie des noms de domaine « .bf ».
Nous avons expliqué comment ces noms de domaine peuvent permettre de devenir autonomes, d’autant plus qu’aujourd’hui, notre pays a adopté le statut de l’étudiant entrepreneur. Nous pensons que l’industrie des noms de domaine peut contribuer à concrétiser ce statut, créer de l’emploi et autonomiser l’ensemble des jeunes dans notre pays, en permettant à ceux-ci de devenir des revendeurs de noms de domaine et de travailler dans d’autres types d’emplois liés à cette industrie.
Le thème du forum a été disséqué lors d’un grand panel animé par d’éminentes personnalités, des experts du numérique, de l’emploi, de la communication et du marketing.
Un certain nombre de recommandations ont été formulées. La première recommandation majeure était de renforcer les capacités des jeunes en matière de numérique pour qu’ils puissent saisir les opportunités offertes par l’industrie des noms de domaine.
La deuxième recommandation était de pérenniser ce forum. Ce forum est organisé depuis sa première édition sans discontinuer, et les acteurs ainsi que les participants souhaitent qu’il perdure.
Voilà un peu deux petites recommandations sur lesquelles on peut revenir sinon, il y a eu un certain nombre de recommandations qui ont été formulées à ce forum.
Est-ce qu’on peut dire, au regard de tout ce que vous avez dit, que vous avez atteint vos objectifs à cette Semaine du numérique ?
Pour nous, les objectifs ont été atteints. Nous avons pu animer convenablement notre stand. Nous sommes aussi satisfaits de la troisième édition du Forum DNS.
L’autre point que je n’avais pas évoqué et qui faisait partie de nos ambitions, c’était l’organisation du prix du meilleur registrar « .bf ». Et là aussi, nous avons réussi à organiser ce prix et primer les trois premiers bureaux d’enregistrement du « .bf ».
Le 1er, c’est AFRIREGISTER Burkina, le 2e, c’est IT-NUM et le 3e, c’est IKA Solution. Nous avons donné un prix spécial au meilleur registrar national. C’est aussi un motif de satisfaction pour nous parce que les bureaux d’enregistrement, qui sont nos premiers partenaires de distribution des noms de domaine « .bf », étaient véritablement satisfaits de ce Prix qui est à sa toute première édition. Nous avons reçu des messages qui nous disent que nous faisons partie des registres de noms de domaine correspondant aux codes de pays qui accordent autant d’attention à leurs bureaux d’enregistrement accrédités.
Nous avions aussi pour ambition de pouvoir organiser une opération marketing du « .bf ». Et là aussi, je pense que nous sommes en passe d’atteindre nos objectifs à ce niveau. Nous avons voulu faire un clin d’œil à l’ensemble des usagers du « .bf » en faisant en sorte qu’ils puissent enregistrer et renouveler gratuitement leur nom de domaine pendant ce mois de novembre. Cette opération marketing gratuite de noms de domaine se poursuit jusqu’au 30 novembre 2024. Il est vrai qu’il y a des conditions : il faut être une entreprise ou une association de droit burkinabè, créée en 2023 ou en 2024, pour bénéficier de cette offre promotionnelle. À ce jour, nous avons environ 700 souscriptions pour un objectif de 1100 souscriptions. Je pense qu’à la clôture, le 30 novembre à 23h59, nous serons au-delà des 1100 souscriptions attendues.
L’autre ambition aussi que nous avions était de conduire une campagne d’information et de sensibilisation du grand public. Je pense que là aussi, il y a pas mal de choses qui ont été faites.
Nous avons eu des couvertures médiatiques sur l’ensemble de nos activités. Nous avons réalisé des interviews avec la presse et diffusé des spots publicitaires avec différents médias, qu’ils soient écrits, en ligne, audiovisuels, ou sur les réseaux sociaux. Une grande campagne est également en cours pour informer et sensibiliser le grand public sur ce que nous faisons et sur notre produit, le « .bf ».
Au-delà de tout cela, je pense que nous sommes satisfaits de tout ce qui s’est passé pendant cette semaine et nos objectifs sont atteints grâce à nos partenaires, mais aussi grâce à l’ensemble des clients et des usagers du « .bf » et à tous les acteurs de l’écosystème numérique.
Avez-vous déjà les regards tournés sur la 20e édition de la Semaine du numérique ?
Au regard de ce que nous avons fait pendant cette 19ᵉ édition de la Semaine du numérique, je crois que nous sommes très attendus pour la 20ᵉ édition et nous allons concocter un programme encore plus ambitieux pour être à la hauteur des attentes que les acteurs du secteur ont vis-à-vis de notre organisation dans le sens de la promotion du nom de domaine « .bf » et de la promotion de la migration vers le protocole IPv6.
On va peut-être s’attaquer à deux autres actions prioritaires pour notre association. Il s’agit notamment de la promotion de la souveraineté numérique et de la promotion de l’inclusion numérique. Ce sont aussi des éléments que nous allons explorer pendant la 20ᵉ édition de la Semaine du numérique.
Et en attendant cette 20ᵉ édition, quels sont les projets et initiatives à venir ?
Au niveau de l’ABDI, aujourd’hui, nous avons des initiatives cruciales pour notre organisation.
D’abord, nous sommes en train de conduire un projet de renforcement de la sécurité du registre « .bf ». C’est une initiative extrêmement importante qui va nous permettre de signer la zone « .bf » grâce à un protocole de sécurisation qui est le DNSSEC (Domain Name System Security Extension). C’est un protocole qui permet en réalité de sécuriser les registres des noms de domaine. Nous sommes en train de mettre les bouchées doubles pour pouvoir boucler ce projet et pouvoir renforcer la sécurité du registre des noms de domaine « .bf ».
Nous sommes également engagés pour le développement du réseau des distributeurs des noms de domaine « .bf ». Je disais tantôt qu’on avait dix bureaux d’enregistrement accrédités. Il faut qu’on puisse accroître ce nombre de bureaux d’enregistrement pour pouvoir attaquer le marché qui est mondial. Le marché des noms de domaine « .bf » est un marché mondial. Plus de 60% des usagers du « .bf » ne sont pas au Burkina Faso.
Nous avons une initiative à l’endroit des jeunes. Nous voulons former une cinquantaine de jeunes sur l’industrie des noms de domaine et les accompagner à devenir des revendeurs de noms de domaine. A l’image de ce qui s’est passé, quand la téléphonie mobile est arrivée dans nos pays, des jeunes ont commencé à vendre des crédits de communications par ci par là. Au début, les gens pensaient que ce n’était rien, mais les gens ont vendu des unités et sont devenus des millionnaires. C’est ce qui va se passer avec les noms de domaine. Pour l’instant, les gens ne voient pas les enjeux, mais je suis convaincu que des milliardaires sortiront de ces jeunes qui vont s’intéresser à ces noms de domaine-là.
Nous avons un centre de formation que nous avons appelé Gambré Academy Center. Nous avons essentiellement trois programmes de formation que nous sommes en train de développer. Le premier programme est relatif à des formations sur le système des noms de domaine, des formations techniques sur la gestion des réseaux en IPv6, des formations sur la gouvernance de l’Internet et enfin des formations pour décideurs sur les technologies innovantes, notamment l’intelligence artificielle, la Blockchain, l’Internet des objets.
Voilà un peu les actions en cours au niveau de l’ABDI. En plus de ce que j’ai cité, on pense au lancement d’un laboratoire que nous avons appelé Gambré LAB et aussi au lancement d’un fonds de soutien au développement de l’Internet. Dans le cadre de la convention que nous avons signée avec l’ARCEP, on doit mettre en place un fonds de développement de l’Internet. Nous sommes dans le processus de préparation pour pouvoir lancer ce fonds en 2025 et aussi dans le processus de consolidation du DNS.
Un mot de fin !
Nous invitons les Burkinabè à consommer local et à prendre un nom de domaine en extension « .bf » pour leur site web et leurs adresses de messagerie, pour toute plateforme numérique qu’ils mettent en place.
Deuxièmement, il faut dire que ces noms de domaine constituent un domaine économique important et que l’ensemble des jeunes burkinabè peuvent s’autonomiser grâce à des activités rémunératrices de revenu. L’industrie des noms de domaine est un domaine vierge qui peut être exploité dans le cas de l’entreprenariat des jeunes. Nous invitons tous les acteurs de l’écosystème à soutenir les activités de l’ABDI, à s’intéresser à ce que l’association fait, à nous accompagner de sorte à ce que nous puissions atteindre notre objectif. Et cet accompagnement peut se faire aussi à travers leur adhésion à l’organisation qui est ouverte à tous.
Nous remercions enfin Lefaso.net pour tout l’accompagnement dont on a bénéficié depuis la création de l’association. Merci pour votre disponibilité et merci pour tout ce que vous faites pour l’ABDI.
Le 15 novembre 2024, Izaï TOE, Secrétaire Exécutif de l’ABDI (Association Burkinabè des Domaines Internet), était l’invité spécial de l’émission Prime Time sur la chaîne C360. Cette intervention marquante a permis de mettre en lumière l’importance de l’identité numérique burkinabè à travers le domaine « .bf » et les opportunités qu’il offre pour le développement socio-économique du pays.
Les sujets abordés
Au cours de cette émission, plusieurs thématiques essentielles ont été développées :
L’identité numérique nationale : pourquoi le domaine « .bf » est crucial pour asseoir une présence en ligne authentique et souveraine au Burkina Faso.
Les enjeux de l’industrie des noms de domaine : un secteur stratégique pour l’économie numérique et l’autonomisation des jeunes.
Les projets de l’ABDI : initiatives en cours pour rendre les noms de domaine plus accessibles, promouvoir l’entrepreneuriat numérique et soutenir l’innovation locale.
Un moment clé pour sensibiliser
L’émission a également été l’occasion d’expliquer comment le choix d’un domaine local, tel que « .bf », participe à la protection des données et à la souveraineté numérique du Burkina Faso. Izaï TOE a souligné le rôle des jeunes et des entrepreneurs dans la dynamisation de cette industrie, tout en rappelant que des opportunités concrètes existent pour ceux qui souhaitent s’investir dans ce secteur porteur.
Pour ceux qui ont manqué l’émission
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IPv4 et IPv6 sont deux versions du protocole Internet (IP) utilisées pour identifier les appareils sur les réseaux et acheminer le trafic sur Internet. IPv6 est la version la plus récente, conçue pour remplacer IPv4 et résoudre le problème d’épuisement des adresses IP, améliorant certains aspects techniques. La migration d’IPv4 à IPv6 a débuté depuis quelques années au Burkina et des défis demeurent. Pour en parler, nous avons rencontré Brice Abba, responsable de l’engagement communautaire chez le Régistre africain d’internet (AFRINIC). C’était le vendredi 15 novembre 2024 à Ouagadougou, au siège de l’Association burkinabè des domaines Internet (ABDI).
Lefaso.net : Dans quel cadre séjournez-vous au Burkina Faso ?
Brice Abba : Ma visite au Burkina Faso s’inscrit dans le cadre du soutien du Registre africain d’internet (AFRINIC) pour tout ce qui concerne le développement d’Internet. Il y a actuellement la Semaine du numérique au Burkina, et je suis venu pour parler de tout ce qui concerne les technologies émergentes, la gestion des ressources et comment le Régistre accompagne les États africains dans le développement d’Internet.
Parlez-nous davantage d’AFRINIC
AFRINIC est le Registre du réseau Internet pour l’Afrique. Sa fonction principale est de gérer les adresses IP pour la région Afrique. Il existe trois types d’adresses IP : les adresses IPv4, les adresses IPv6 et les numéros de systèmes autonomes.
À quoi servent ces numéros ?
Les numéros de systèmes autonomes permettent d’identifier chaque réseau sur Internet. L’ABDI est membre d’AFRINIC et possède son propre numéro de système autonome. Sur Internet, l’ABDI a une identité numérique. Chaque réseau dans le monde est identifié par ce numéro. Par exemple, Orange Burkina ou Moov ont chacun un numéro de ce type sur Internet. Tous les opérateurs qui ont acquis des ressources numériques auprès d’AFRINIC ont une présence sur Internet.
Les adresses IP, quant à elles, servent à identifier les ordinateurs, les téléphones, les réfrigérateurs, les téléviseurs… qui se connectent à Internet. Derrière chaque numéro de système autonome, représentant un réseau, il y a plusieurs équipements connectés, identifiés par des adresses IPv4 et/ou IPv6.
Quelle est la différence entre les adresses IPv4 et IPv6 ?
La différence réside principalement dans la taille. C’est un peu technique, mais faisons simple. Prenons les numéros de téléphone : à une époque, les numéros de téléphone avaient six chiffres. Avec l’augmentation des abonnés, il a fallu passer à huit chiffres, puis à dix chiffres, etc.
On utilisait le protocole IPv4 est codé sur 32 bits, offrant environ 4 milliards de possibilités. Cependant, aujourd’hui, presque toutes ces adresses IPv4 utilisables sont presque épuisées. En Afrique, il nous reste environ 1 100 000 adresses IPv4. En Europe et en Amérique, il n’y a plus d’adresses IPv4. En Asie-Pacifique, il y a encore quelques adresses IPv4 disponibles. Seuls AFRINIC et la région Asie-Pacifique ont encore des adresses IPv4.
Les adresses IPv6, elles, sont codées sur 128 bits, offrant des trillions de trillions de trillions d’adresses, bien plus que les 4 milliards d’adresses dont dispose IPv4. Pendant la Semaine du numérique, j’ai expliqué qu’avec les membres d’AFRINIC au Burkina Faso, nous avons attribué des blocs d’adresses IPv6. Avec ces blocs, chaque personne au Burkina Faso peut avoir plusieurs adresses IPv6 alors qu’en adresse IPv4, une adresse IPv4 est partagée par 70 Burkinabè.
Comment cet épuisement des adresses IPv4 affecte-t-il le développement des pays comme le Burkina Faso ?
Comme mentionné, les adresses IP permettent de connecter les équipements à Internet. En Afrique, le taux de pénétration d’Internet est d’environ 40 %. Au Burkina Faso, il est de 50 % avec la 3G et la 4G. Pour augmenter ce taux, il faudra passer à IPv6, car les adresses IPv4 restantes sont insuffisantes. Le développement numérique, avec des services dématérialisés comme e-santé, e-gouvernance… nécessite des adresses IP. En Europe, le passage à IPv6 a été une nécessité pour connecter plus de réseaux. C’est ce qui est en train d’arriver ici.
Quelle est la situation de cette transition vers IPv6 au Burkina ?
Au Burkina Faso, je travaille avec la communauté technique depuis plusieurs années. Nous avons organisé de nombreuses formations sur IPv6 et en 2022, j’étais là lors de la mise en place d’un Task Force IPv6. Hier (14 novembre 2024, ndlr), j’ai rencontré la responsable du Task Force IPv6 pour discuter de la réorientation de nos efforts pour ce qui est de la migration vers IPv6. Il y a du potentiel en IPv6 au Burkina.
Aujourd’hui, ce qui est important, c’est que la connectivité IPv6 existe déjà grâce aux opérateurs Internet. Il est important d’informer la population. Mais comme je le dis toujours, l’utilisateur final n’a pas besoin de savoir si c’est de l’IPv4 ou de l’IPv6, il veut juste une bonne expérience Internet. La partie technique est gérée par les opérateurs télécoms. Cependant, l’État, via des structures comme l’ARCEP ou l’ABDI, peut donner l’exemple en déployant IPv6 dans des universités pour montrer que cela fonctionne et que ce n’est pas un mythe.
Cette transition induit-elle un gain en termes de sécurité et de fluidité ?
Le projet IPv6 était principalement conçu pour garantir l’évolution de l’Internet. C’était la priorité. Comment faire pour que dans 50 ans, dans 100 ans, on ne soit pas en train de réfléchir à quel type de numéro attribuer à nos équipements pour se connecter à Internet. Dans notre usage d’IPv4, nous avons constaté qu’il y avait des problèmes qui ont été améliorés lors de la normalisation d’IPv6.
Donc, les problèmes liés à l’utilisation du protocole IPv4, qui sont assez gênants dans le fonctionnement des réseaux, ont été corrigés avec IPv6. Retenons qu’il existe des mécanismes de sécurité tant pour l’implémentation d’IPv4 que d’IPv6.
Il y a un mécanisme de sécurité bien connu appelé IPSec. Ce mécanisme de sécurité existe nativement dans le design d’IPv6, alors que pour IPv4, il est venu après coup. C’est pourquoi certains disent qu’il y a un mythe de sécurité IPv6 au niveau 3.
Cependant, le protocole IPv6 en lui-même aide à améliorer certaines sécurités. J’ai mentionné qu’au Burkina, une adresse IPv4 est partagée par 70 personnes. Donc, lorsqu’il y a une infraction commise par l’une de ces personnes, il est difficile, trois mois après, de dire à qui cette adresse avait été attribuée à telle heure, tel jour lors de la commission de l’infraction.
En matière de cybersécurité, il est plus complexe d’utiliser des adresses IPv4 pour identifier les usagers d’Internet. Avec IPv6, il y a une certaine facilité, ce qui aide à la cybersécurité. Il y a aussi une optimisation du routage. Ce sont des améliorations au niveau du protocole en lui-même et de ses spécificités qui se traduisent par un gain en termes de qualité.
Comme je l’ai dit, une nouvelle technologie qui arrive corrige les erreurs connues, mais elle peut aussi venir avec de nouveaux problèmes. Cependant, ces problèmes ne sont pas insurmontables. Ce sont en réalité des comportements liés au fonctionnement du protocole, mais que l’on essaie de maîtriser.
IPv6 n’en est qu’à ses débuts au Burkina Faso. Quelles sont les étapes essentielles à suivre pour cette transition ?
Il y a des étapes, mais le plus important n’est pas de se focaliser sur celles-ci. Il y a des alternatives.
Par exemple, si Orange Burkina décide de donner IPv6 à ses clients, il ne va pas attendre de suivre toutes les étapes. Il va les suivre en interne. En Côte d’Ivoire, Orange est en train de donner IPv6 à ses clients parce qu’ils ne peuvent plus connecter de nouveaux clients en IPv4. Cela va bientôt arriver au Burkina et sera généralisé. Il y a déjà Canalbox qui offre IPv6 à ses clients.
En termes d’étapes, lorsqu’une entreprise ou un pays veut déployer IPv6, la première étape est la formation, puis la communication.
Lorsque vous formez vos ingénieurs, vous communiquez dans les médias. Lorsque la communication est faite, on revient aux réseaux et on prend les blocs d’adresses IPv6 chez AFRINIC. Vous dites à AFRINIC que vous voulez déployer IPv6 dans votre réseau, mais que vous n’êtes pas encore membre. Vous allez alors entamer le processus pour devenir membre d’AFRINIC. Une fois cela fait, vous aurez vos blocs IPv4 et IPv6. Ensuite, vous décidez comment vous connecter à Internet. C’est ce qu’on appelle le choix du mécanisme de transition. On veut déployer IPv6, on a nos blocs d’adresses IPv6, mais au Burkina, y a-t-il quelqu’un qui peut donner accès à Internet avec IPv6 ? Si oui, cela influencera le choix du mécanisme de transition.
Je choisis l’option A parce qu’il y a un opérateur, l’option B parce qu’il n’y a pas d’opérateur. Je prends l’option C parce qu’il y a un opérateur, mais ce n’est pas sûr… En fonction de cela, vous choisissez le mécanisme de transition qui convient, puis vous continuez avec toute la partie technique.
Vous commencerez par faire votre adressage, annoncer vos préfixes, dire à Internet que vous êtes ABDI : “Voici mon bloc, voici le numéro de mon réseau”. Ensuite, vous célébrez les victoires d’un service délocalisé, par exemple, en le rendant accessible à la population sur IPv6.
Les bonnes pratiques sont que si vous avez www.abdi.bf, vous allez créer ipv6.abdi.bf pour vous assurer que tout le développement logiciel fonctionnant en IPv4 est compatible avec IPv6. Lorsque les sites en IPv4 fonctionnent également en IPv6, on peut éteindre les sites web qui étaient exclusivement en IPv4 et les rendre accessibles en IPv4 et IPv6.
C’est ainsi que l’on effectue la migration jusqu’à un déploiement complet. Au niveau du réseau, c’est assez technique. Quel est le protocole de routage utilisé ? Est-ce que le protocole de routage supporte IPv6 ? Si oui, doit-il être amélioré ? Il y a aussi l’audit de notre système d’information. Nous avons un formulaire pour aider nos membres à effectuer un audit complet de leur système d’information, afin de savoir où des améliorations sont nécessaires, quels équipements doivent être remplacés. Certaines banques ont des serveurs très robustes datant de 1990 qui fonctionnent très bien et qu’elles ne veulent pas changer. Il existe des mécanismes de transition pour les aider à pouvoir recevoir et envoyer des données sur IPv6.
Quels sont les pays d’Afrique de l’Ouest qui sont en avance par rapport à cette transition ?
Il y a plusieurs statistiques. 90% des pays en Afrique de l’Ouest ont déjà commencé la transition. Il y a la question du contenu. Y a-t-il du contenu en IPv6 au Burkina Faso ? Au Burkina, il y a très peu de contenu, environ 1%. Mais si vous êtes au Burkina et que vous avez des coopérants chinois ou russes, sachez que dans leur région, il n’y a pas de IPv4. Ils ont tout en IPv6. Ils arrivent à se connecter à leurs serveurs car vous leur donnez la possibilité d’accéder à IPv6 sans problème. Dans les autres pays de la sous-région, il y a très peu de contenu, environ 10 à 15%. Certains pays sont à environ 20%. Le Burkina a beaucoup d’utilisateurs mais très peu de contenu. Cela est peut-être dû à ses partenaires stratégiques ici qui vont prendre du contenu IPv6. Dans d’autres pays, il y a du contenu mais peu d’utilisateurs.
Aujourd’hui, quels sont les véritables défis de cette transition ?
Les défis actuels sont des défis idéologiques en ce sens que, techniquement, nous savons comment effectuer cette transition. Les équipements fabriqués depuis 2000 supportent IPv6. Nous sommes en 2024. Aujourd’hui, si vous regardez votre appareil photo, il supporte IPv6, tout comme cette télévision (accrochée dans la salle de réunion de l’ABDI, ndlr) et nos smartphones. Même si vous n’avez pas la formation ou la capacité de le faire, il y a des personnes qui peuvent vous accompagner. Voilà pourquoi je parle de défis idéologiques.
Il y a de la réticence à tout ce qui est nouveau. En général, il n’y a pas de réticence aux nouvelles voitures, mais il y a de la réticence aux nouvelles marques de voiture. Quand vous êtes au bureau, votre directeur a accès à Internet ; si vous lui dites qu’il faut passer sur IPv6 et qu’il vous demande pourquoi, et que vous lui dites que c’est pour Internet, il vous répondra qu’il a déjà Internet. Il faut lui expliquer que l’adresse que vous utilisez est partagée par tout le monde au bureau, et que si cette adresse est blacklistée parce qu’un staff a fait des bêtises sur Internet, vous n’aurez plus accès à Internet.
En 2018, nous avons mené une étude pour demander aux ingénieurs que nous avions formés avant 2010 pourquoi ils n’avaient pas encore complètement déployé IPv6. La première réponse qui revenait était qu’ils n’étaient pas sûrs d’être assez compétents pour le faire seuls ; la deuxième réponse était que leurs patrons ne savaient pas ce qu’était IPv6 ou que ce n’était pas leur priorité. La troisième raison était que les équipements étaient trop vieux. Aujourd’hui, ce problème n’existe plus. Nous avons un module sur IPv6 qui s’adresse aux patrons et aux gouvernements et d’autres modules pour les accompagner.
Quelle est l’actualité au sein d’AFRINIC ?
Au sein d’AFRINIC, au niveau des opérations, nous avons arrêté d’attribuer des adresses IP, car nous sommes en attente des élections des membres du conseil d’administration. La justice mauricienne nous a désigné un administrateur pour organiser les élections et permettre aux membres d’AFRINIC d’élire les nouveaux membres du conseil d’administration. Cela permettra de relancer la machine, car aujourd’hui AFRINIC fonctionne sans budget. Il y a de l’argent, mais nous ne pouvons pas l’utiliser car le conseil d’administration n’a pas pu être constitué et le contrat du directeur général est arrivé à expiration. J’appelle donc les membres du Burkina Faso et de toute l’Afrique à se tenir informés de l’actualité sur le site Web d’AFRINIC et à se préparer pour voter afin d’élire les membres de la région Ouest et des autres régions.
De l’extérieur, comment percevez-vous le développement de l’écosystème numérique au Burkina Faso ?
Depuis 2006, je suis dans l’écosystème Internet. J’étais assez jeune quand j’entrais avec notre grand frère, le regretté colonel Pierre Ouédraogo. Chaque année, les pays africains font des efforts et évoluent. Cela signifie que les choses ne stagnent pas ; dans chaque pays africain que j’ai parcouru, il y a des évolutions technologiques.
Ce n’est pas aussi rapide que nous le souhaiterions, mais il y a tout de même des avancées. Quand je regarde ce qui se passe au Burkina Faso, il y a des projets qui progressent ; la semaine du Numérique ne s’est pas arrêtée. L’ABDI, bien que relativement récente, fait de très bonnes choses pour le développement du « .bf ». Nous travaillons aussi avec l’ABDI pour sécuriser le « .bf », notamment avec le déploiement de DNSSEC (Les extensions de sécurité DNS, ndlr), en cours depuis plus d’un an avec des instances nationales qui gèrent le DNS. Ce sont des signes que la communauté progresse, même si ce n’est pas aussi rapide que dans certains pays. Il faut respecter et prendre en compte les contextes pour analyser et apprécier les progrès qualitatifs et quantitatifs des pays.
Un mot de fin ?
Le mot de fin est que l’ABDI, le régulateur et le gouvernement, via le ministère en charge de la Transition digitale, continuent d’investir dans le numérique, de s’assurer que la Semaine du numérique perdure et d’inviter les organisations africaines apolitiques qui œuvrent pour l’Internet à accompagner le continent dans son développement.
Les jeunes se sont plaints du manque de financement pour les projets innovants. J’encourage également les structures financières de l’État burkinabè à investir pour soutenir la jeunesse.
Il faut aussi que la population burkinabè sache apprécier les efforts de l’État en matière de financement des projets innovants. Ce n’est pas seulement au Burkina Faso, mais dans d’autres pays également, les fonds que l’État met pour les projets innovants ne sont jamais remboursés. Cela crée un manque à gagner qui empêche l’État d’aider les nouveaux projets. Lorsque vous investissez dans un projet, il est crucial de commencer à rembourser pour que d’autres puissent également bénéficier de ces fonds. C’est important.
« Industrie des noms de domaine internet, entrepreneuriat et autonomisation des jeunes au Burkina Faso ». C’est le thème de ce forum qui réunit plusieurs acteurs venus découvrir les opportunités entrepreneuriales que regorgent les noms de domaine.
Ils étaient trois panelistes à disséquer ce thème après l’ouverture officielle du forum qui a connu la présence d’autorités. Guy Edouard Bouda, chargé de missions à l’Association burkinabè des domaines internet (ABDI) a ouvert le bal des interventions avec un sous-thème intitulé : « Education aux compétences numériques du futur : former les jeunes sur le DNS, l’IPv6 et la gouvernance de l’Internet ».
Dans sa communication, l’ingénieur en réseaux et systèmes en informatique a expliqué que le nom de domaine appelé en anglais Domains name system (DNS) est l’épine dorsale de l’internet.
C’est le DNS qui permet de se connecter sur Internet, a-t-il relevé, indiquant que l’Internet offre plusieurs opportunités entrepreneuriales aux jeunes. Mais attention, prévient-il. Pour lui, les jeunes pourront profiter des opportunités de l’Internet à condition d’être mieux formés et éduqués dans ce domaine.
Pour intégrer l’industrie des noms de domaine Internet, explique-t-il, il faut avoir des compétences multidisciplinaires. « Il vous faut des compétences en réseaux des systèmes informatiques pour l’aspect sécurité ; une culture des noms de domaines en termes d’information et aussi des connaissances en marketing digital pour développer des stratégies pour la commercialisation des noms de domaine », a-t-il expliqué au public majoritairement composé d’étudiants.
En plus de l’informatique, poursuit-il, il est nécessaire d’avoir des notions juridiques qui encadrent le domaine et aussi le flair du marketing digital pour la commercialisation. Avec ces atouts selon lui, les jeunes ont plus de chance de réussir dans le domaine du numérique, se convainc-t-il. Et pour cela, il fait savoir que l’ABDI, dans le cadre de ses missions, renforce les capacités des jeunes pour les permettre d’explorer utilement le milieu de l’Internet.
Des opportunités et défis pour les jeunes
Dans le cadre de ces échanges avec les jeunes, le paneliste Daouda Sorgho, spécialiste en ingénierie des systèmes informatiques a abordé le sous-thème : « Entrepreneuriat numérique : opportunités et défis pour les jeunes en matière d’industrie des noms de domaine Internet ».
De prime abord, il a encouragé les jeunes à adopter les noms de domaine .bf et à accompagner la promotion de ce nom parce qu’il représente l’identité du pays. A l’entendre, des meilleures connaissances du domaine permettent de lancer des projets entrepreneuriaux à succès. La récompense des registrars (bureaux d’enregistrement des noms de domaine) en est une preuve selon lui.
Le troisième sous-thème a porté sur la « Stratégie de marketing digital : tirer profit de l’extension de son nom de domaine pour mieux se positionner » a été animé par Clément Combary, directeur des systèmes d’information du groupe Coris.
Il a souligné l’importance de l’identité du .bf en ce sens qu’il est l’identifiant du Burkina à l’international. Utiliser le .bf est un acte de patriotisme selon lui. Mais au-delà, cela établi la confiance entre les partenaires, a insisté l’informaticien.
Le « .bf », une aubaine pour la création d’emplois
Le système des noms de domaine (DNS) est essentiel pour le fonctionnement de l’Internet. Selon Izaï Toé, Secrétaire exécutif de l’ABDI, c’est une ressource rare qui permet d’identifier l’ensemble des autres ressources comme les sites web, la messagerie électronique ou toute autre application sur internet.
Pour lui, dans le registre officiel des noms de domaine «.bf», l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, a consacré le modèle de gestion 3R avec l’accréditation d’entreprises chargées de revendre ces noms de domaine auprès du grand public.
Cela est donc une aubaine selon lui, pour la création d’emplois et de valeur ajoutée pour les startups. « Le nom de domaine « .bf » peut se vendre à l’ensemble de la population burkinabè, les entreprises, les ONGs, les organisations étatiques, la société civile. Il peut être vendu partout dans le monde. C’est à cette échelle que nous allons pouvoir engranger des retombées financières », a indiqué Izaï Toé.
La remise des prix aux trois (03) meilleurs registrars, principale innovation, a mis fin aux activités de la 3è édition de Burkina Faso DNS forum qui était placé sous le patronage du ministre en charge de la transition digitale, Dr Aminata Zerbo/Sabané.
Ce prix vise à récompenser les agents d’enregistrement accrédités qui se sont distingués en 2024 par le nombre de noms de domaine enregistré et le chiffre d’affaires réalisé.